Formation en BTP : « Nous considérons que l’ESTPO est le type de grande école qui n’en existe pas beaucoup au Burkina Faso », dixit le DG de l’ESTPO, M. Kani Gaston GNOUMOU

Le Directeur général de Ecole Supérieur des travaux publics de Ouagadougou (ESTPO), M. Kani Gaston GNOUMOU a accordé une interview à Cité Elégance. Il dresse le bilan des 12 ans d’existence de son école tout en présentant les futurs projets qui se veulent innovants de l’école.

CE : Dans quelles conditions l’Ecole a été créé ?

GG : L’ESTPO a été créée par 20 cadres dont la moitié est constituée d’ingénieurs et des architectes. C’est-à-dire que ce n’étaient pas des gens qui avaient de l’argent et se sont dit qu’il parait qu’il y a l’argent dans l’enseignement. Mais ce sont des gens qui avaient quelque chose à dire, à démontrer et qui sont soucieux de l’avenir des jeunes. C’est ainsi qu’ils ont créé l’école car ils connaissent très bien le domaine dans lequel ils voulaient investir. Donc notre objectif vraiment est de créer, de former des gens, que ce soit sur le plan technique que sur le plan éthique, qui sont performants dans le secteur.

Laisser-moi vous dire que les 20 cadres sont des cadres chrétiens qui ont tous leur confiance en Dieu et en ce qu’ils veulent faire, ils savent que ça doit être bien, profitable, être dans les règles et correspondre à une certaine éthique.  Une bonne partie de ces cadres sont du domaine. Il y a parmi nous trois anciens ministres des BTP. Avant la création de l’ESTPO en 2006, en dehors de 2IE, chaque année, on avait deux ou trois ingénieurs qui sortaient venant d’Allemagne, de la France etc. L’an passé à l’ESTPO, nous avons formé 180 diplômés dont 34 ingénieurs de conception. Disons qu’on voyait ce manque de cadres. Il y avait le centre de formation du Ministère des infrastructures qui formait des techniciens et des techniciens supérieurs mais pour ce qui est des ingénieurs, il n’y en avait pas. Au moment où nous créions cette école, l’objectif c’était de suppléer ce manque en ingénieurs du domaine.

CE : En douze ans d’existence de l’école, quel bilan faites-vous ?

GG : Nous avons mis sur le marché jusqu’à maintenant environ un millier de diplômés parmi lesquels, il y a environ un quart qui sont des ingénieurs master ou ingénieurs de conception. Il y a un bon lot de ce qu’on appelait avant ingénieurs des travaux et maintenant licence professionnelle et puis les techniciens de surface. A l’ESTPO, il y a une variété de nationalité à savoir des Burkinabè, des étudiants de la sous-région et tous les pays de l’Afrique Centrale : Tchad, Cameroun, Gabon, Congo etc. C’est intéressant pour nous. Il m’est arrivé de voyager au Tchad, j’arrive et je me rends compte qu’il y a une des grosses sociétés à l’époque qui avait de grands travaux dans la ville de N’Djamena et le responsable technique était quelqu’un de l’ESTPO. J’arrive au Gabon et je vois qu’à SATOM, il y a quelqu’un de l’ESTPO. A l’heure actuelle au Burkina Faso, il y a quelques-uns de nos étudiants qui sont des directeurs généraux, directeurs techniques que ce soit dans les entreprises ou le secteur public. Et cela nous fait plaisir et même actuellement, nous avons des étudiants sortis d’ici qui sont en train de faire leur doctorat et le premier docteur va sortir l’année prochaine. Il y a certains qui font leur doctorat à l’étranger et il y a d’autres qui le font à l’école doctorale ici. Cela montre qu’en 12 ans, on a fait quelque chose.

CE: Quelles sont les raisons qui peuvent pousser les étudiants à porter leur choix sur l’ESTPO ?

GG : Moi-même en tant que privé quand j’écoute la publicité de certains établissements, je suis étonné. On dirait qu’on peut former tout dans une école. Nous nous croyons qu’en matière de formation, d’enseignement, de pédagogie académique, il y a des domaines spécifiques. Je peux donner par exemple le domaine de la science de la santé où l’on forme des sages-femmes, des médecins et même des vétérinaires. Et si vous formez des sages-femmes ou des vétérinaires et à côté de cela vous dites que vous faites génie civil, alors ce ne serait pas du tout efficace. C’est pourquoi nous considérons que dans l’enseignement supérieur, on doit être précis dans un domaine si non dans quelques domaines mais, on ne peut pas être partout et l’ESTPO est un cas presqu’unique car nous avons choisi de rester dans un domaine. On peut s’étendre au fur et à mesure parce que chaque domaine a beaucoup de spécialité mais nous ne voulons pas toucher à tout. Nous considérons que l’ESTPO est le type de la grande école qui n’existe pas beaucoup au Burkina Faso. Il y a des établissements d’enseignement supérieur mais le type grande école il n’y en a pas beaucoup au Burkina Faso. L’ESTPO en est un.

CE : Vos diplômes sont-ils reconnus par le CAMES ? Si oui lesquels ?

GE : Nous avons ouvert l’école en 2006 et en 2012, nous avons eu la possibilité de présenter nos diplômes au CAMES puisqu’il faut du temps pour mettre les diplômes sur le marché. Quand, nous avons présenté nos diplômes de génie civil, ils ont tous été reconnus et accrédités par le CAMES. Cette année, les 5 ans sont à leur terme et nous venons de déposer un dossier pour une nouvelle accréditation. Nos diplômes qui ne sont pas reconnus sont ceux de la topographie parce que nous n’avons pas encore mis sur le marché des topographes.

CE : Existe-t-il un mécanisme d’accompagnement des étudiants ?

GG : Nous utilisons les enseignants chercheurs des universités publiques pour les matières fondamentales et aussi c’est le ministère qui coiffe l’enseignement supérieur de manière générale. Mais l’essentiel de nos formateurs sont des professionnels cela veut dire que les gens qui interviennent sont des directeurs de bureau d’études, des directeurs techniques dans les entreprises, des ingénieurs, des architectes etc. Ces gens constituent la première ressource pour le placement de nos étudiants dans le milieu professionnel. Deuxièmement, nous avons un certain nombre d’entreprises avec lesquelles nous sommes en contact. D’ailleurs, plusieurs de nos étudiants qui viennent ici, sont déjà ou étaient déjà de petits tacherons ou bien c‘est parce que papa est dans le domaine et ils viennent pour améliorer leurs compétences pour évoluer dans le domaine. Donc tout cela constitue une ressource pour nous pour placer les étudiants. En plus la direction générale use aussi de ses relations pour leur insertion socio-professionnelle. Ce que j’ai eu comme profil de carrière, je suis connu par beaucoup d’entreprises, beaucoup d’entrepreneurs, par les structures étatiques et je suis obligé d’intervenir de temps à autre car il y a certains étudiants qui ne trouvent pas de place pour les stages ou qui ont du mal à trouver un emploi, de temps en temps il y a d’autres qui viennent me voir. Pour résumer je peux dire que le type même des formateurs de l’ESTPO est déjà une source de recrutement et la provenance de nos étudiants aussi est déjà une source.  Les relations de l’école avec les entreprises et les bureaux d’études, c’est la 3eme source donc comme cela, on arrive à aider nos étudiants.

CE : Vous avez cité certains étudiants qui font vraiment votre fierté est ce que vous pouvez revenir un peu sur cet aspect ?

GE: Je ne vais pas citer des noms. Il y a quelques années, on a organisé le recrutement des officiers pour le génie militaire et moi-même, je suis officier de génie militaire Colonel à la retraite. Mais à notre temps il faillait avoir le BAC, aller à l’école d’officier, finir sa formation et aller se spécialiser dans le génie militaire. Ce n’est plus le cas, les médecins ou d’autres, ils sont recrutés sur leur formation de base. Les médecins de 5ème  ou 6ème  année, on les envoie et ils font quelques temps en formation militaire et après ils sortent médecins militaires. Nous à notre temps, il faillait avoir le BAC, ensuite aller faire 7 ans dans une école de santé militaire, c’était la même manière pour les officiers du génie militaire, chaque année l’on recrute des jeunes qui ont déjà un profil ingénieur, ils font quelques mois à l’académie militaire Gorges NAMOANO ensuite ils sortent officiers de génie militaire et ils peuvent y faire leur carrière.

Pour revenir à la question, il y a quelques années, un concours pour recruter des ingénieurs en génie civil a été lancé. C’est ainsi que je me suis trouvé à côté du directeur du génie militaire dans une cérémonie.  En rappel, j’ai quitté l’armée depuis 1996 mais les colonels et les autres me connaissent. Et le Directeur m’a dit : « mon colonel, je suis le Directeur du génie civil. Nous avons fait un concours et le monsieur de l’ESTPO était vraiment hors de catégorie ». L’année passée, il y a un de nos étudiants qui était en vacances et il est revenir me dire DG je vous remercie parce qu’après le master ici il a décidé d’aller poursuivre ses études à Taiwan. Vous savez c’est une sélection, il n’y a pas que l’ESTPO et le Burkina car il y avait beaucoup d’autres étudiants qui postulent. Notre étudiant s’est trouvé très à l’aise et tellement heureux de venir nous le dire. Un autre étudiant d’ici a fait son master et avant sa soutenance de master, il a réussi à obtenir un stage en France. Et après son stage, le bureau d’étude où il a fait son stage a trouvé que celui-là mérite d’être soutenu et il est rentré à l’université de Clermont-Ferrand pour faire son doctorat. Il y a des choses comme ça qui font plaisir. Cela veut dire que quelques parts, on peut en être fier.

CE : Quels sont vos futurs projets en termes d’innovation ?

Comme je l’ai dit, nous voulons rester dans le génie civil et l’option BTP mais nous avons en ce moment des projets qui vont vers la géotechnique, l’architecture, l’eau et l’assainissement. Ce sont des choses dans lesquelles nous sommes en train de faire des études. On a encore d’autres possibilités mais nous allons rester dans le génie civil. Nous voulons être vraiment de type d’une grande école. Quand on dit central en France, école polytechnique, quand on dit école des mines etc., on sait déjà l’orientation donc nous voulons rester dans ce domaine. 

                                                              Propos recueillis par Kadilè Sana et Assata Sinaré

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