Semaine de l’architecte : « Il faut se projeter sur le développement durable…et les bâtiments intelligents », dixit le président du conseil de l’ordre des architectes du Burkina

En marge de la 4ème édition de la  semaine de l’architecte, une interview a été réalisée le 12 janvier 2019 avec le président de l’ordre des architectes du Burkina, M. Fabien Ouédraogo. A travers cette interview, il éclaire les lanternes des Burkinabè sur le métier de l’architecte et de l’opportunité de l’organisation de la semaine de l’architecte.

Cité élégance : Pourquoi avoir institué une semaine de l’architecte ?

Président de l’ordre des architectes du Burkina, M. Fabien Ouédraogo : Bonsoir, je vous remercie de me donner l’occasion de parler encore et toujours de notre métier. Moi c’est Fabien Ouédraogo et je suis le président du conseil de l’ordre des architectes. Ce n’est pas moi qui l’ai instituée parce que nous sommes à la 4ème édition. C’est une idée qui a germé au cours des conseils précédents et ils ont estimé que ça sera bien d’avoir ce type d’initiative pour communiquer autour de notre métier, de nous rapprocher de la population. Je pense que c’est de là que l’idée a germé. Je profite de l’occasion pour remercier mes prédécesseurs qui ont pérennisé cette activité.

 Qu’est-ce qui a motivé le choix du thème de la présente édition portant sur : « Construire ensemble l’Avenir » ?

Je pense que cela a été le fruit d’une réflexion. En général au niveau de l’ordre, les choix se font de façon collégiale. On met en place de petites entités de réflexion qui font des propositions et c’est de là qu’a jailli ce thème et qui justement nous permet de nous projeter sur le futur. C’est vrai qu’on utilise le passé pour avancer mais il faut se projeter sur le développement durable et les défis en matière de bioclimatique, d’énergie, de démotique,  de bâtiments intelligents. Il s’agira pour nous également de voir qu’est-ce que nous architectes du présent doivent laisser et peuvent faire pour les générations futures et quelle architecture de demain ? Tous cela se sont  des réflexions qui sont là et il y a eu un panel qui a meublé la cérémonie d’ouverture où les architectes se sont entretenus sur la contribution de l’architecture dans la construction de la ville de demain.

Au regard d’un certain nombre de pratiques, quels sont les défis majeurs à relever ?

On est dans un contexte de mondialisation et vous savez que l’énergie, je pense est l’élément fondamental qu’il ne faut pas négliger. Dans les années à venir, il va falloir et je pense que les pays développés sont à cette étape, trouver un moyen pour faire des bâtiments qui sont moins « énergétivores », essayer de laisser tomber les énergies fossiles comme le mazout et s’orienter vers les énergies renouvelables. Il y a aussi des défis technologiques à relever. Et au-delà j’insiste sur le fait que nous architectes burkinabè nous devons penser à préserver aussi nos valeurs culturelles. Il ne s’agit pas de se projeter pour se projeter mais il faut intégrer nos matériaux locaux. Nous avons la terre qui est une très bonne immersive thermique que nos ancêtres ont utilisée. Par exemple, vous prenez la mosquée de Bobo Dioulasso, la cathédrale, ce sont des bâtiments qui sont en terre et quand vous êtes à l’intérieur de ces édifices quel que soit le temps qu’il fait dehors à l’intérieur l’environnement est vraiment vivable. Donc on doit associer tous ces éléments dans la réflexion sur l’architecture de demain pour le Burkina Faso.

Quelle est la place de la jeune génération dans votre agenda pour ce futur que vous voulez construire ensemble ?

Je dirai que la formation est inévitable et incontournable. Vous ne pouvez pas être un urbaniste, un architecte, un ingénieur sans avoir d’abord suivi la formation de base requise pour faire de vous le professionnel aguerri. Il faut que nos jeunes frères se fassent former correctement. Les jeunes occupent une place  très importante car c’est ensemble que nous pourrons  construire l’avenir.

Généralement lorsque nos jeunes veulent se former, ils partent à l’extérieur pour le faire. Est-ce que dans votre agenda n’est-il pas envisageable la création d’une école d’architecture ?

Cette question m’a été posée à plusieurs reprises et cela montre en fait l’intérêt que la population et vous les journalistes avez pour la chose. Je pense que cet intérêt est mû parce qu’on voit actuellement comme foisonnement d’écoles. C’est un projet que l’ordre doit et peut être murir. En côte d’Ivoire l’ordre des architectes a créé une école. Comparaison n’est pas raison mais il faut reconnaitre que l’ordre des architectes de la Cote d’Ivoire a certaines ressources que l’ordre des architectes du Burkina n’en a pas. Au-delà de l’aspect financier pour créer une école, il faut le cadre physique, des salles de classe, des ateliers, du personnel administratif et au-dessus de cela, il faut un personnel d’encadrement et des professeurs. Il n’est pas donné à n’importe qui d’être un professeur d’architecture. Cela peut paraitre banal et simple mais ce n’est pas aussi simple que cela. Il faut des gens aptes et qui ont la pédagogie nécessaire pour transmettre leurs savoirs aux jeunes. Tout le monde n’est pas un bon enseignant. Vous pouvez être un bon architecte, construire de beaux bâtiments, faire de belles conférences et être invité  un peu partout mais la pédagogie, c’est une autre chose. Donc, il y a tous ces éléments qu’il faut prendre en compte. L’ordre, dans un long terme, peut envisager cela. Il faut monter un projet et trouver les moyens de se faire accompagner peut-être par la chambre de commerce, etc. Mais je pense que cela est une bonne chose.

Comment se porte le monde de l’architecture au Burkina Faso ?

C’est pour ci pour ça. Vous savez quand on vit, nous sommes tributaires de l’environnement économique et l’environnement économique est tributaire de l’environnement socio politique. Vous savez que depuis quelques années l’environnement socio politique n’est pas du tout simple. Il y a quelques remous et tout cela joue sur le secteur économique et sur le secteur des BTP. Actuellement on ne peut pas dire que le bâtiment va très bien. Il y a un ralentissement et cela est clair depuis 2014, il faut le dire. Il y a un ralentissement que nous avons constaté au niveau  même du portefeuille  client et au niveau des projets et tout le monde est interpelé par cela. A titre d’exemple je n’ai rien contre ce qui se fait actuellement en termes d’investissement que le gouvernement fait. C’est bien un pays se développe de plusieurs manières mais quand vous prenez par exemple sept milliards que vous mettez sur un goudron qui vous fera je ne sais même pas combien de kilomètres mais pas beaucoup.  Et vous prenez sept milliards vous mettez dans un bâtiment. Faites la comparaison sur le nombre de personnes qui sont touchées  par ce bâtiment. Depuis les cadres, les personnes ressources, les cadres d’encadrement, le personnel ouvrier et même la vendeuse de bouillie au bord de la route, elle va vivre de cela contrairement à d’autres types de projets. C’est pour cela on dit que quand le bâtiment va bien tous les secteurs sont arrosés. Même l’ouvrier, le manœuvre qui vient creuser, il sort d’où il loge, il vient en ville, il prend du travail et il est payé journalièrement. Ils sont payés à la tâche et par jour. Alors quand il n y a pas de travail, qu’est-ce qu’ils vont devenir ces gens ? Il faut vraiment que l’Etat investisse dans ce secteur. L’Etat doit être le moteur et on ne doit pas attendre que des privés viennent  faire des immeubles de 10 niveau, 12 niveau. Il faut que l’Etat donne l’exemple.

Que faites-vous pour assainir le milieu des architectes ?

Déjà, on communique autour du métier pour que les gens sachent qu’est-ce qu’un architecte, quelle est sa mission, quel est son rôle ? Ensuite, nous avons une carte professionnelle que je  vous montre parce qu’il ne faut pas parler dans le vide. C’est inscrit dans nos textes : tout architecte quand il est inscrit dans le tableau, il prête serment et cela est obligatoire, après cela, il a droit à la carte professionnelle, c’est une obligation. Jusqu’en 2018, c’est dommage que ce document n’existait même pas. C’est l’année passée qu’on a réussi à instaurer cette carte professionnelle. Lorsqu’une personne est architecte et il ne peut pas vous montrer cette carte c’est qu’il y a un problème parce que tout architecte doit la posséder. Au dos, vous avez un élément qui vous renvoie sur le site de l’ordre. Dès que vous la flashez vous pouvez vérifier si elle est falsifiée ou pas parce que vous ne pouvez pas la générer vous-même. Ce sont des éléments que nous faisons. Ensuite, il n’y a pas mal d’usurpateurs, beaucoup de gens se sont passés pour des architectes peut-être que la nature a horreur du vide mais nous nous avons tendance à rester chez nous derrière nos ordinateurs, nos machines et parfois, nous laissons certaines choses se créer. Nous ne sommes pas forcement proches du client. Il vient chez nous par personne interposée et la nature ayant horreur du vide alors certains s’engouffrent les brèches. Ils usurpent nos missions, ils prennent le projet mais ils n’ont pas la signature pour avoir une autorisation de construire. C’est clair quand vous allez au Centre de facilitation des actes de construire (CEFAC) si vous n’êtes pas un architecte vous ne pouvez pas signer un projet. On a un tableau de l’ordre qui est là-bas et le CEFAC vérifie que l’architecte y est inscrit. Et malheureusement ces usurpateurs arrivent à avoir des complices architectes qui acceptent signer ce que nous nous appelons la signature de complaisance parce que vous signez un projet dont vous n’êtes pas l’auteur. Cela est puni par nos textes. Actuellement je peux vous dire que nous avons entamé une procédure judiciaire contre quelqu’un qu’on a épinglé qui fait ces genres de chose. Et la procédure est en train de suivre son cours et les complices à l’interne on va les trouver. Il ne faut pas penser que le loup n’est pas dans la bergerie. Cela veut dire que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur ; il y a des gens qui ne font pas forcement du bien au métier.

Que faites-vous pour faciliter le contact avec le citoyen lambda ?

Ce sont des idées reçues. On communique parce que il n’y pas 50 façons de faire comprendre cela à quelqu’un. Il faut lui parler, il faut communiquer. Et vous hommes de medias vous êtes également des vecteurs, vous faites comprendre à la population que ce n’est pas pire et vous aurez l’avantage d’avoir une maison qui est vraiment parfaite, fonctionnelle qui intègre des éléments d’énergie, d’orientation et de ventilation naturelle  et tout. Contrairement à une maison en pistolet comme les maisons des années 80. Mais il faut communiquer, on a un métier qui est particulier et nous comptons beaucoup sur vous pour cela.

 

Propos recueillis par Adama Ouédraogo et Kader Sana

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