Les jeunes diplômés se lancent de plus en plus dans l’entreprenariat afin de faire face à la question d’emploi après les études. Le magazine Cité Elégance a rencontré SANA Sadia promotrice de l’entreprise BOUFASO, étudiante en fin de cycle en Droit et membre de l’association KOURA pour parler de sa vie de femme entrepreneure.
CITÉ ELÉGANCE: Présentez-vous s’il vous plaît à nos lecteurs et lectrices.
SANA Asmaou : Je me nomme SANA Asmaou , étudiante en fin de licence en Droit, je compte poursuivre mes études en Master en Droit international pour me spécialiser en diplomatie et relations internationales. En plus des études, je suis aussi dans l’entreprenariat.
CITÉ ELÉGANCE: Présentez-nous votre entreprise.
SANA Asmaou : Je suis la promotrice de BOUFASO qui veut dire bouillie du FASO qui évolue actuellement dans le secteur informel. BOUFASO est une entreprise qui transforme les produits locaux tels que le maïs, le petit mil, en grumeaux pour faire de la bouillie.
CITÉ ELÉGANCE : Vous venez de dire que vous êtes étudiante en fin de cycle en droit. Pour quelqu’un qui fait droit on s’attend logiquement à ce qu’il devienne juriste ou magistrat. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans l’entreprenariat ?
SANA Asmaou : J’avais l’ambition d’entreprendre, de faire autre chose que les études. Il y’a également les difficultés que nous, étudiants rencontrons, et l’incertitude d’obtenir un emploi après les études. Face à tout cela, il devient nécessaire d’essayerpar tous les moyens de limiter le temps d’attente dans le chômage.
CITÉ ELÉGANCE: Depuis quelle année avez-vous commencé à entreprendre ?
SANA Asmaou : je dois dire que mon entreprise est à un stade embryonnaire d’abord car c’est en début 2021 que j’ai débuté. L’idée d’entreprendre m’est venue suite à une conversation avec un ami togolais. Voyez-vous, les grumeaux de maïs qui sontd’une spécialité togolaise, n’est pas trop produit ici au Burkina FASO. Donc dès que mon ami m’a parlé de la réussite de cette marchandise au Togo, je me suis dit pourquoi ne pas essayer d’entreprendre ça ici ?
CITÉ ELÉGANCE : Depuis que vous avez commencé, quelles sont les avantages que vous avez tirées de votre entreprise ?
SANA Asmaou : Les avantages sont nombreux. Premièrement, sur le plan financier par exemple, depuis 4 à 5 mois, je n’ai plus besoin de tendre la main à la maison pour mon carburant. Deuxièmement, y’a l’expérience aussi que j’acquiers, mon expérience que je partage déjà avec d’autres personnes. Troisièmement, c’est l’épanouissement.
CITÉ ELÉGANCE : Est-ce que vous avez consulté des coaches en entreprenaria pour avoir des conseils et autres outils pour mieux vous positionner dans l’entreprenariat ?
SANA Asmaou : Justement, dès que j’ai vu l’annonce de l’association KOURA qui recrutait des bénévoles, j’ai tout de suite postulé et j’ai été recrutée. Ce qui m’a amenée dans l’association KOURA, c’est son objectif de promouvoir l’entreprenariat et l’innovation.
CITÉ ELÉGANCE : Vous qui êtes dans un stade embryonnaire, comment vous faites pour vous en sortir surtout avec la concurrence ?
SANA Asmaou : Effectivement, comme je l’ai dit, c’est deux types de grumeaux que je fais : les grumeaux de maïs et les grumeaux de petit mil. Pour le petit mil, c’est déjà saturé dans les alimentations, et pour le maïs on en trouve rarement. J’ai commencé d’abord à vendre avec mon cercle d’amis, ensuite j’ai pensé à vendre dans les alimentations. Il faut noter qu’au début j’ai travaillé à perte, car dans les alimentations, les gérants réclamaient des échantillons pour présenter aux clients. Mais par la suite, les choses ont commencé à aller. Aujourd’hui, je livre dans quatre entreprises, à plusieurs revendeurs également, à travers les réseaux sociaux également je vends.
CITÉ ELÉGANCE : La question financière fait que beaucoup de jeunes ont peur de s’investir dans l’entreprenariat, comment avez-vous fait pour dépasser ce stade de question financière ? Qui vous soutient ?
SANA Asmaou : C’était été un peu compliqué parce qu’il fallait payer du matériel. Je dirai que j’ai commencé avec une partie de mon FONER, ensuite j’ai un grand frère qui est mon mentor en réalité qui m’accompagne tant dans mes études que dans mon entreprise. Par exemple, la machine à taper, c’est lui qui m’a donné. C’est ainsi que j’ai commencé petit à petit jusqu’aujourd’hui.
CITÉ ELÉGANCE : Dites-nous quel est le regard de vos camarades filles quand elles vous voient dans ce domaine de l’entreprenariat qui n’est pas aussi facile ?
SANA Asmaou : Disons qu’il y a beaucoup qui m’admirent d’autres me demandent de les prendre comme employés. Elles ne manquent pas à me demander comment j’ai fait pour m’en sortir.
CITÉ ELÉGANCE : A ce stade, arrivez-vous à employer des gens ? Ou bien vous travaillez seule ?
SANA Sadia : J’emploie deux personnes actuellement, il y a mon chargé de marketing digital qui assure la promotion sur Facebook. En plus de lui, j’employais deux filles également qui m’aidaient à produire mais y’a une qui a laissé pour d’autres occupations. Donc actuellement j’emploie deux personnes.
CITÉ ELÉGANCE : Quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrez dans votre entreprenariat ?
SANA Sadia : Les difficultés ne manquent pas. Ce sont entre autres la mauvaise foi de certains clients. Par exemple, il y’a un client qui m’a appelé dans le mois de Ramadan, et qui a commandé 15kg de grumeaux de petit mil et de farine. J’ai aussi fait de la farine. J’ai donc produit toute cette masse et après je n’arrivais plus à le joindre pour la livraison. Je me suis donc retrouvé confrontée à un souci de conservation et d’écoulement. Une semaine plus tard, j’ai pu joindre ce client avec le téléphone d’une amie. C’est ainsi qu’il m’a fait comprendre que son silence s’explique par l’hospitalisation de son père.
CITÉ ELÉGANCE : Comment avez-vous géré cette situation ?
SANA Asmaou : Heureusement, j’ai un oncle qui venait à peine d’ouvrir une alimentation. Alors, je lui en ai parlé et il m’a fait savoir qu’il n’y-avait pas de problème et que je pouvais amener les grumeaux. Il les a vendu et m’a donné juste mon capital. La farine quant à elle, avec la saison pluvieuse, a été une perte pour moi.
CITÉ ELÉGANCE : Est-ce qu’au-delà de cette difficulté de mauvaise foi des clients, vous rencontrez d’autres difficultés ?
SANA Asmaou : Oui il y’a d’autres difficultés. D’abord les gens ne connaissent pas encore le produit, ils sont réticents. Cette méconnaissance et réticence handicapent vraiment le fonctionnement. En plus de cela, la plupart des alimentations ne s’intéressent pas trop aux produits. Au début j’ai frappé aux portes de plus de six alimentations et il n’y-a eu que quatre qui ont accepté de prendre mes grumeaux mais je m’en réjouis déjà, parce que pour un début, c’est déjà pas mal.
CITÉ ELÉGANCE : Quelles sont les perspectives de votre entreprise à long terme ?
SANA Asmaou : A long terme, j’envisage employer plusieurs personnes notamment les femmes et les filles. J’envisage également faire une tournée dans les villages ; et pourquoi ne pas former des femmes dans ce que je fais, pour leur permettre d’être autonomes à leur niveau aussi ?
CITÉ ELÉGANCE : Quels conseils avez-vous à l’endroit des jeunes étudiants et élèves qui hésitent à se lancer dans l’entreprenariat ?
SANA Asmaou : Vous savez, entreprendre ce n’est pas facile. De nos jours, on entend de gauche à droite que si l’école ne marche pas, il faut entreprendre. Mais l’entreprenariat est compliqué. Il faut vraiment du courage et de l’ambition pour réussir dans ce secteur. Bon nombre de jeunes manquent de courage et ne résistant pas aux difficultés au début, décident d’abandonner. J’invite donc les jeunes à plus de courage, être plus ambitieux et de ténacité.
CITÉ ELÉGANCE : Est-ce que vous avez un message à l’endroit de la jeunesse burkinabè qui se bat jour et nuit dans ce domaine de l’entreprenariat ?
SANA Asmaou : Mon message, c’est surtout de persévérer, de se lancer à fond, et ne surtout pas hésiter. J’invite les jeunes également à se former. Dans ce sens, il y’a l’association KOURA qui est là pour la promotion de l’entreprenariat. J’invite toute la jeunesse à y prendre part.
Propos recueillis par Kadilè SANA