La question du logement et des parcelles se pose avec acuité au Burkina et singulièrement à Ouagadougou. Il est plus que nécessaire et urgent de faire une pause et réfléchir profondément sur la problématique. A la suite de l’atelier internationald’urbanisme de Ouagadougou à l’horizon 2050 ; le journal en ligne Cité élégance a réalisé une interview avec l’architecte-urbaniste, M. Léandre Guigma pour aborder le sujet relatif à notre système d’urbanisation. Pour lui, une urbanisation réussie passe par la vulgarisation des plans de développement des villes et surtout par leur application. Pour que tout fonctionne comme il se doit, l’ensemble des acteurs engagés dans le processus de développement de nos villes doivent jouer pleinement leur partition en accordant la part belle à la concertation et au dialogue pour faciliter l’accès aux logements décents. Entretien :
Présentez-vous à nos lecteurs et lectrices ?
Je suis Léandre Guigma, architecte urbaniste et gérant de l’Agence Perspective, bureau d’étude d’architecture et urbanisme à Ouagadougou.
En quoi consiste le métier d’un urbaniste ?
L’urbaniste s’occupe de l’aménagement de l’espace urbain. C’est un métier qui a deux dimensions, un volet artistique qui recherche l’esthétique, la beauté, le confort, les formes urbaines, l’aspect du paysage et la sensation que l’on a en traversant une rue. Le volet technique est lié au fait d’aménager selon des normes d’aménagements de l’espace.
Est-ce que les urbanistes prennent en compte le volet culturel ?
La dimension artistique fait le lien avec la dimension culturelle parce qu’on ne crée pas une ville ex-nihilo. Il faut connaitre les populations qui vont vivre dans la ville. La ville est le reflet de la culture du peuple qui l’occupe qui l’anime et qui la fait vivre. C’est très important de prendre en compte la dimension culturelle dans la construction des villes.
Quelle appréciation faites-vous de notre système d’urbanisation ?
La ville est une superposition de plans et de projets. Aujourd’hui nos schémas directeurs sont à l’horizon 2030 mais il y a eu un atelier d’urbanisme international qui a projeté Ouagadougou en 2050. C’est aujourd’hui qu’on construit la ville de demain mais on ne peut pas se projeter à 100 ou 200 ans. Il y a des réflexions qui se font à la grande échelle et dans un temps long, les documents qui fédèrent toutes les réflexions sur les villes, se nomment Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU), et plan d’occupation des sols (POS). Ce sont des documents qui projettent nos villes dans 10 et 15 ans. Une chose est de faire connaitre les plans de développement des villes et une autre est de les appliquer.
Où nous en sommes avec le projet « Grand Ouaga » ?
On sait rendu compte qu’on ne peut pas planifier la ville de Ouagadougou sans prendre en compte les communes rurales qui entourent la ville et qui s’urbanisent à grand pas. Ouagadougou est entouré de zones qu’il ne faut pas forcement lotir mais préserver pour sauver Ouagadougou qui n’a plus suffisamment d’espace vert et de ressource en eau.L’homme a aussi besoin de nature pour se recréer. Comme il n’y a plus de place, il faut penser au projet Grand Ouaga pour que les communes rurales ne lotissent pas leurs territoires pour ressembler à Ouagadougou. Il faut certes des logements mais à côté des équipements qui accompagnent et des espaces naturels.
Quel commentaire faites-vous de la restructuration de certaines zones non-loties ?
Depuis le 1er lotissement de 1920, on a toujours loti du non-lotie, alors que la définition du lotissement c’est l’aménagement d’un terrain nu. En réalité on a fait des restructurations sans le dire. La restructuration n’est pas un phénomène nouveau au Burkina Faso. Aujourd’hui il faut repenser la restructuration in-ci-tu, c’est-à-dire une restructuration ou il y aura le moins de déplacement possible. On se rend compte que la taille des parcelles n’est pas adaptée, dans la mesure où quand on regarde la ville de Ouagadougou on a que 50% des parcelles qui sont mises en valeur. Il y a beaucoup de parcelles insuffisamment mises en valeur. Il ne sert à rien de donner des parcelles sans les donner les moyens de les mettre en valeur. Il faut réfléchir à faire en sorte pour que tout le monde soit logé décemment. Il faut restructurer de manière plus adaptée aux réalités des citoyens.
Notre constitution parle du droit au logement et non du droit à la parcelle, le droit à la parcelle ne règle pas le problème du logement. Il y a des gens qui ont des parcelles mais qui sont mal logés. Il faut une politique de logement qui passe par une superposition des logements les uns sur les autres puisque l’espace de la ville n’est pas extensible. Il faut mieux rationaliser l’occupation de l’espace actuel.
Est-ce que les constructions à niveau sont les solutions au problème du logement ?
Les acteurs doivent se mettre ensemble dans la mise en œuvre de cette politique d’habitat. Il est clair aujourd’hui on ne peut pas continuer à donner des parcelles sans penser à la construction en hauteur et à la mise en valeur des parcelles. On se rappelle des cités de la révolution, les bâtiments emblématiques du logement en hauteur datent des 1980 et c’est dommage qu’on ne voit plus des logements à hauteur après 30 ans. Il faut augmenter l’offre de logements accessibles. L’Etat seul ne pas tout faire, il a un grand rôle à jouer.
Qu’est-ce qu’une ville durable ?
La ville par essence est durable, personne ne conçoit une ville éphémère. La ville est normalement durable mais on insiste sur la prise en compte de l’écologie, de l’économie et du social. Il faut que ces trois éléments soient pris en compte dès la conception de la ville pour garantir sa durabilité.
Quel conseil avez-vous à l’endroit de nos autorités ?
Les autorités doivent être exemplaires et promouvoir le dialogue social. On ne peut pas prendre des décisions et vouloir les imposer. Il est très important d’impliquer tous les acteurs dans la prise des décisions. Pour permettre aux habitants de participer à l’édification de la nation. Il faut faire l’effort de traduction pour toucher beaucoup de personnes. Il faut un dialogue social inter générationnel pour aboutir à des résultats consensuels. Il faut insister aussi sur la diffusion des informations justes sur l’urbanisme.
Entretien réalisé par Adama Ouédraogo et Ismaël Kiekieta