Crise de l’habitat à Ouagadougou : Le président du CADDL s’exprime sur la question 1000 parcelles pour 1550 ménages à Garghin

S’offrir une parcelle au Burkina est un véritable casse-tête chinois ! Suite à la résolution de dégager 1000 parcelles pour 1550 ménages à Garghin, votre journal a bien voulu tendre son micro au président de la Coalition des associations pour la défense du droit au logement (CADDL), M. Compaoré Bernard pour en savoir davantage. Du reste, cette résolution prise avec l’ensemble des acteurs est diversement appréciée. Si les uns la trouve bonne et les autres se focalisent sur le fait qu’il y aura 550 ménages qui seront mis sur le carreau. Au-delà de cette affaire, d’autres sujets ont été abordés avec le président de la coalition notamment la crise du logement d’une manière générale et la tracasserie juridico-policière de la section CADDL de Bogodogo.

CE : Bonjour, présentez-nous votre organisation, la CADDL ?

Compaoré Bernard: Notre coalition existe, il y a de cela 3 ans. Nous sommes partis d’un constat. En effet, les populations des zones non loties font face à de nombreuses difficultés dans les opérations de lotissement desdites zones. C’est de là que nous avons créé la Coalition des associations pour la défense du droit au logement des populations.

Au départ nous étions au nombre de 35 associations mais actuellement nous sommes au nombre de 43. Nous luttons pour : la diminution de la corruption dans les opérations d’attribution des parcelles, contre l’accaparement des parcelles des populations par d’autres personnes. Nous luttons également contre les déguerpissements anarchiques des populations des quartiers périphériques communément appelés « non-lotis ».

Parlons de l’actualité, suite au dégagement de 500 parcelles pour les 1550 ménages à Garghin, le ministère de l’habitat et de l’urbanisme a trouvé une solution pour dégager 1000/1550. Quel commentaire faites-vous de cette résolution ?

Concernant cette affaire, notre coalition a été conviée pour prendre part à la conférence organisée par le Ministère de l’habitat et de l’urbanisme. Nous doutons de la faisabilité de la solution proposée par le ministre. Cela nous amène à nous poser un certain nombre de questions à savoir quel sera le sort réservé aux 550 ménages restants? Après cette conférence, nous ne sommes pas rentrés en contact direct avec les représentants des habitants de Garghin. C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous prononcer sur cette question pour le moment.

En réalité, il appartient aux habitants de nous appeler et nous expliquer ce qui s’est passé au cours de la 2ème rencontre avec le ministre parce qu’ils sont les plus concernés dans cette affaire et notre rôle c’est de les aider.  Mais jusqu’à présent, ils ne nous ont pas encore appelés.

Comment faire pour reloger les 550 autres ménages selon vous ?

Ce que je peux dire c’est que la proposition du ministre n’est pas la bonne solution car 550 ménages resteront toujours sans parcelles. Le ministère n’a fait que prendre les 500 parcelles d’environ 300m2 pour en trouver 1000 parcelles de 150m2. Malgré cette solution, le problème demeure toujours parcelles qu’il y a toujours 550 ménages qui seront sans parcelles. C’est pourquoi, nous proposons une solution qui consisterait à dégager 800 parcelles de 300m2 pour en obtenir 1600 parcelles de 150m2 afin que chaque ménage puisse avoir une parcelle. Cela serait la meilleure résolution.  Mais  comme je l’avais annoncé précédemment, nous n’avons pas encore rencontré les concernés pour savoir s’ils ont accepté cette solution ou pas. Selon des dires, ils ont accepté alors si tel est le cas nous ne pouvons rien dire parce que c’est à eux de décider.

Quelles mesures préconisez-vous pour éviter de telles situations dans les autres zones non-loties de YAMTENGA, GOURDRIN et SILMIOUGOU où l’épée de Damoclès de déguerpissement  tourne sur les têtes des résidents?

A vrai dire, plusieurs personnes se trouvent dans cette situation. Prenons l’exemple de Poycé, ils ont déguerpi des gens et ils n’ont rien fait après pour les reloger ou les indemniser. Et c’était pareil au niveau de l’hôpital de Tingandogo. Pour le cas de Silmiougou, nous pouvons dire que le processus est en cours pour ne pas qu’ils subissent le même sort que ceux de Garghin. La différence est que ceux de Silmiougou sont dans des parcelles et ne sont pas complètement dans des non lotis comme ceux de Garghin. Ils sont entrés en contact avec nous et nous sommes à leur côté pour les aider. Nous profitons de votre micro pour dire à tous les  habitants des zones non loties que s’ils veulent de l’aide de notre part, il faut qu’ils soient des gens à qui nous pouvons faire confiance, des gens honnêtes et qui disent la vérité.  Nous voulons que lorsque vous dites qu’on vous a fait ceci ou cela, il faut que cela soit avéré car dans le cas contraire si nous vous venons en et que cela n’est pas fondé, notre coalition peut être discréditée pour cela. Si à un certain moment donné de l’accompagnement, nous nous rendons compte que vous n’êtes pas des personnes dignes de confiance, nous faisons demi-tour.

Vous avez dit que vous avez déjà eu affaire à des gens qui n’étaient pas dignes de confiance. Pouvez-vous nous donner un exemple ?

Dans ces temps-ci nous avons eu un petit problème à Yamtenga. A un certain moment, nous avons remarqué qu’ils ont adopté des comportements qui n’étaient pas en accord avec notre conviction. Cela nous a beaucoup affectés.

Qu’en est-il du niveau de satisfaction de votre plateforme revendicative adressée au gouvernement à la suite de la marche-meeting du 5 avril 2018 ?

Le ministre nous a rencontrés avant et après la marche. Mais nous ne nous sommes pas bien compris parce que nous avons des besoins contradictoires. Ils nous ont pris des exemples d’autres pays où il y a des bidonvilles alors que les pays n’ont pas les mêmes réalités. Etant donné que nous n’avons pas les mêmes manières de voir les choses donc nous considérons que rien n’est encore satisfait. Nous, habitants des zones non loties, nous nous connaissons parfaitement et même si les parcelles coutaient ne serait-ce que 1 500 000 FCFA l’unité, ceux qui auront les moyens pour l’acheter ne dépasseront pas 100 personnes. Nous habitons les zones non loties parce que nous n’avons pas les moyens pour acheter des parcelles à coût de millions. C’est pourquoi, nous demandons simplement que ces zones soient loties au bonheur des populations. La question des logements sociaux que le ministre a évoquée, ne tient pas dans notre cas parce que nous sommes dans nos parcelles alors il suffit de faire usage de leur pouvoir politique pour lotir nos parcelles.

Est-ce que le droit au logement sera-t-il effectif au Burkina à partir du moment où certains ont des dizaines voire des centaines de parcelles tandis que d’autres n’en ont même pas une ?

Si nous disons que le droit au logement au Burkina Faso n’est pas effectif nous avons menti, parce que théorique il existe mais dans la pratique il y a beaucoup à dire. En effet, cela est inscrit dans les textes et ces mêmes textes disent que tous les Burkinabè ont droit au logement. Nous ne sommes même pas encore arrivés à leur niveau car tout ce que nous demandons c’est juste des parcelles. Dans les règlements, il est dit que chacun a droit à un logement ce qui suppose une maison mais nous nous sommes arrêtés juste aux parcelles  même si après nous allons nous débrouiller pour construire.

Actuellement, j’ai 60 ans et je n’ai toujours pas une parcelle. Pensez-vous que cela est normal ? Toute notre lutte c’est pour nos enfants car je suis vieux et il ne me reste plus beaucoup d’années à vivre. Cela fait 39 ans que je vis au Burkina Faso et si je venais juste d’arriver je pouvais comprendre. J’ai lutté en vain pour avoir une parcelle. J’ai été plusieurs fois perdant dans les opérations de lotissement. Ce qui fait que je suis à ma troisième chute dans une habitation précaire. La première c’était à Ouaga 2000, ensuite à Kouritenga et actuellement je suis à Nagrin. Si toute fois après des fouilles dans les textes, s’il s’est avéré que moi Compaoré Bernard j’ai déjà eu une parcelle après le lotissement de ces zones et que je l’ai vendue qu’ils me convoquent là où ils veulent et  je vous jure que je déposerai ma démission en tant que président de la CADDL.

Votre section de BOGODOGO dit être victime de tracasseries juridico-policières incessantes, où en êtes-vous avec cette question ?

La population de Bogodogo fait vraiment face à de grandes difficultés. En effet, ils ont acheté leurs terrains et ont déjà construit après le lotissement mais la nuit, les mêmes personnes qui ont fait ce lotissement reviennent avec des gens en pointant des parcelles. Souvent vous êtes dans votre cour mais en réalité elle a été déjà vendue ou revendue à une autre personne.  Nous pensons que s’il n’y a pas quelque chose de louche dans cette affaire, il faut amener ces personnes-là la journée pour la vente. Ils leur font la force seulement car la personne qui a acheté la parcelle de manière frauduleuse a la plus part du temps tous ses papiers et devant la justice elle peut les montrer comme preuve pourtant celle ayant résidé dans la zone non lotie pour l’acquérir n’a pas de papiers de justification. Nous avons lutté en vain et  main dans la main, les gens ont décidé qu’ils ne laisseront plus les personnes qui viennent acheter les terrains la nuit  de construire sur leur terrain. Suite à cela, certaines personnes des non loties sont convoquées en justice et d’autres sont menacées et même enfermées.

Votre mot de fin ?

Pour terminer notre propos, nous lançons un appel à tous ceux qui ont des problèmes de parcelles de s’unir pour demander aux autorités du pays de faire en sorte que les choses changent. Nous profitons aussi de votre micro car chez nous les mossé il y a un adage qui dit : « Qui se ressemble s’assemble ». Nous avons des associations qui jouent le même rôle que nous mais elles ne s’associent pas à nous. Et pourtant c’est l’union qui fait la force. Mais certains ne veulent pas nous comprendre et quand nous voulons faire quelque chose, ils partent dans les radios pour nous contredire. Pourtant depuis la création de notre coalition, nous pouvons rendre grâce à Dieu car nous avons eu assez d’adhérents et nous avons nos représentants partout au Burkina Faso. Jamais une seule fois nous nous sommes levés pour dire qu’une association a fait ceci ou cela mais quand nous voulons faire quelque chose, certaines associations, dont nous préférons taire les noms, mettent des bâtons dans nos roues. Nous disons à ces personnes que si nous allons tous agir de la même façon cela ne va nous amener nulle part. Mais si nous nous unissons pour mener la même lutte cela permettra aux autorités de nous écouter et les choses pourront changer. Nous disons aussi aux autorités qu’il faut qu’ils sachent que nous ne pouvons pas dormir dehors et les aider à construire le pays. Nous voulons qu’ils résolvent notre problème afin que nous puissions tous construire le pays.

 

Propos recueillis par Kader SANA et Assata SINARE

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